dimanche 30 décembre 2012

Mademoiselle Féministe

L'actualité me pousse à composer ce micro-post qui poireautait depuis longtemps dans un recoin de ma cervelle.

Je trouve amusant que des associations féministes soient, me semble-t-il, à l'origine de la demande de suppression du terme « mademoiselle » dans les documents administratifs. En effet, je suis moi-même une mademoiselle et affirme bien haut mes accointances avec le mouvement féministe - contrairement à l'ancienne première « madame » qui n'hésite pas à expliquer que quand on a pour toute carrière un beau mariage, trois chansonnettes et des photos de mode, on n'a pas besoin du féminisme.

Mais je m'égare.
Donc, malgré ça, je suis mademoiselle parapluie et ça m'emm*** de voir ce joli mot (et ce qu'il signifie !) disparaître aux yeux de l'état. 

Et des souvenirs en vrac.

Août 2001. Toute jeune midinette à peine sortie de trois mois de très gros salaire, je m'offre ma première folie : un séjour d'une semaine en Hongrie. Super affaire, super promo, apacher, avachement bien.
Sur mon billet d'avion, premier choc : 1 A/R CLASSE ECO / Madame Parapluie.
...
Madame ?
Wow, tout doux, à 21 ans par défaut on est Madame ? Vraiment ? Toute femme est donc supposée être mariée sitôt qu'elle est nubile, ou comment ça marche ?

Les années passent. D'histoires de cœur en histoires de corps, je zappe et vieillis sans jamais me marier.
Septembre 2010, j'enseigne pour la première fois à des classes entières. Et v'là-t-y pas qu'au détour d'un TD, un de mes élèves lance un :
« Excuse me, Mrs Umbrella, what's the English for béton armé ? »
Ce qui lui vaut un cinglant : « Whatcha call me Mrs for, mate? I'm six years older than you are! »
Il a ensuite eu la réponse à sa question puis, quelques heures plus tard, s'est fait allonger par sa Madame de prof à un concours de descente de pintes au pub local. T'en foutrais des Mrs, petit con.

Comme tout le monde, j'associais encore le terme Madame à la vieillesse, la respectabilité, la vie de famille bourgeoise que nous prône l'ex-mannequin ex-chanteuse ex-présidente susmentionnée - par opposition à Mademoiselle, qui représentait la jeunesse, la fraîcheur, la liberté, toussa toussa. Je ne tenais à Mademoiselle que parce que Madame me donnait instantanément des rides mentales.

J'avais tort, et m'en suis rendu compte lors de mon job suivant.
Mars 2011, j'archive pour des représentants de la Loi - et le sujet de l'ostensible statut marital arrive sur le tapis. Le clan des collègues est scindé en deux.
D'un côté, nous avons les traditionnalistes, qui tiennent à conserver le Mademoiselle (chaises de gauche, tasses de thé et madeleines).
De l'autre, les progressistes, qui indiquent leur droit à conserver leur statut marital confidentiel, au même titre que les hommes (chaises de droite, cappucino et cookies).
Au milieu, un parapluie casque bleu qui ne comprend pas bien où est le problème.

Vous voulez que votre statut marital se sache, mesdemoiselles et mesdames ? Mais pour quoi faire, sinon pour ostraciser en aveugle ?

Vous ne voulez pas que votre statut marital se sache, mesdames tout court ? Alors pourquoi autoriser le port de l'alliance ? Et pour le nom de famille des enfants, on fait quoi ? Quel parent se fait spolier ou, si les mômes portent les deux noms, quel parent passe en second ?

Dans un cas comme dans l'autre, leurs arguments me semblaient foireux. Et c'est encore le cas. Pourquoi refuser qu'il y ait une distinction ? Surtout sur les formulaires officiels où l'on accepte de préciser si on est veuf / marié / pacsé / en union libre de manière systématique. Qu'est-ce que ça change ? Dans tous les cas, vous allez fournir la réponse en cochant la p'tite case qui va bien juste dessous !

Au final, il s'agit dans l'ensemble de beaucoup de bruit pour pas lourd, non ?

Tout ça pour dire qu'égoïstement, fait chier. Je portais mon Mademoiselle flashy avec ostentation, non plus parce que je pense que Madame me vieillit, mais parce que je ne suis pas mariée, que c'est un choix délibéré et que je tiens à ce que ça se sache.
Je vis en couple heureux avec mon viking, mais je suis une femme libre et fière (et dotée d'un orgueil aussi crétin qu'assumé à ce propos). Et je n'ai pas besoin d'un morceau de métal à l'annulaire et d'un gribouillis devant un notable paroissial et/ou local pour exister.
Je ne suis pas Madame, je ne serai jamais Madame et bordel de Dieu, ça me gonfle d'être privée du seul maigre étendard d'indépendance qui restait à celles qui n'ont pas l'intention de tomber dans le désespoir à la Rachel Greenwald.
Ou pire, dans The Rules.

Et faut avouer aussi que la drague à deux balles de type C'est-Madame-ou-Mademoiselle ? va me manquer. Ben, si.

Allez, j'arrête de vous gonfler avec mes idées à six centimes le kilo et vous souhaite à tous de bien bonnes bouteilles de champ' - boisson obligatoire des fêtes imposées de fin d'année. Je vous conseille le champagne Mademoiselle. Sera-t-il renommé lui aussi ?

Bien cordialement,

Mam'zelle Pépin