mardi 24 septembre 2013

Plus faux que moi, rumeur



Faute d’une RH ou d’une direction qui se secoue le tronc pour faire circuler les infos, Radio-Couloir est bien souvent la seule source d’informations de l’entreprise.

Caractéristique n°1 : on capte Radio-Couloir beaucoup plus facilement quand on se trouve près de la machine à café.

« Bonjouuuuuur et bienvenue sur Moquette FM, votre radio préférée du matin, il est neuf heures dix !
Alors, en forme ? Nous prenons l’antenne ce matin avec une bien triste nouvelle : l’un des pots de la machine à café a disparu. Femme de ménage maladroite qui l’aurait cassée ? Collègue cleptomane ? Qui peut le dire ? Quant à moi j’ai mes soupçons, mais je ne voudrais pas m’avancer… »

Caractéristique n°2, comme on vient de le voir : Radio-Couloir n’accuse pas souvent et préfère laisser planer des silences lourds de sens, de type « ouaich t’as vu, on se comprend ».

« Aujourd’hui, temps couvert sur la région. C’est tout pour la météo, passons aux informations de dernière minute avec notre correspondant permanent au trou de la serrure, Fernand.
-       Tout à fait, Georgette. J’étais hier soir encore de permanence, lorsque j’ai vu passer le patron qui se dirigeait vers la compta. Quelques minutes après, Josiane sortait de son bureau en larmes. A priori, elle a reçu une mauvaise nouvelle…
-       Avez-vous pu interviewer certains des participants ?
-       Malheureusement non, Georgette. Josiane a quitté l’entreprise cinq minutes après l’incident et le patron s’est enfermé dans son bureau. La nouvelle a été difficile à annoncer pour lui aussi, semblerait-il… »

Et c’est ainsi que le présentateur de Radio-Couloir peut conclure :
« Eh oui, Fernand, c’est bien triste de devoir renvoyer une collaboratrice lorsqu’on a des rapports si intimes avec elle... » - alors même que le patron est célibataires, certes, mais homo et que Josiane est une heureuse jeune mariée. Mais qu’importe : Radio-Couloir ne s’embarrasse pas de la réalité.

Caractéristique n°3 : Radio-Couloir fait souvent relais des patrons quand ceux-ci ont la flemme d’annoncer les niouzes par eux-mêmes.

« Chers auditeurs, nous avons rencontré Bras-Droit-de-Big-Boss hier, qui nous a annoncé que Rigoberte remplacerait Germaine après le départ en retraite de cette dernière. Et voici justement notre invitée de la matinale : Rigoberte ! Alors Rigoberte, quel effet est-ce que ça fait, de remplacer sa supérieure ?
-       Euh, eh ben je sais pas, enfin moi on m’a rien dit encore, tout ça est arrivé très vite… »

Et bien sûr, le flash info suivant donne quelque chose comme ça :
« Chers auditeurs, cette nouvelle de dernière minute vient de tomber à la rédaction : Germaine a commencé à former Mauricette en prévision de son départ en retraite. Ce n’est donc plus Rigoberte qui prendra le poste de superviseur ! Rigoberte, bienvenue à la matinale. Comment vous sentez-vous après cette nouvelle ? Est-ce que vous le vivez comme un désaveu, une trahison ?
-       Euh, eh ben je sais pas, enfin moi on m’a rien dit encore, tout ça est arrivé très vite… »

Caractéristique n°4 : Radio-Couloir a tout sauf la mémoire courte.
« Bonjour chers auditeurs. Nous interrompons momentanément nos programmes de travail pour un communiqué de Frida, qui nous informe que sa collègue Plectrude lui a parlé de travers aujourd’hui sans aucune raison valable. Cela dit, la rédaction n’est pas surprise de cette information : nous connaissons tous le passif de Plectrude en matière de sautes d’humeur, en particulier grâce à l’incident du clafoutis à l’artichaut de 1997… »

Station préférée des potineurs en tous genres, Radio-Couloir est une arme dangereuse, surtout lorsqu’elle prend la place (vacante) de la communication d’entreprise. Elle devient l'exutoire des frustrations de chacun, le forum de toutes les paranoïas, de tous les mensonges et de toutes les mesquineries.

Sachez-le, RH et patrons de France : ce que vous ne dites pas, Radio-Couloir l’inventera.

À bon entendeur.

mardi 17 septembre 2013

Entendu au boulot - Big Boss et le long terme

Dialogue du jour entre GrandPatron et votre servitrice :

« Patron, je ne suis pas sûre qu'il faille faire ça. Ça ne résout pas le problème, ça ne fait que le décaler à 2018.
- Oh ben t'façons, on s'en fout : dans 5 ans, on ne sera plus là. »

*facepalm*

lundi 16 septembre 2013

Glossaire recruteur-français


Chers lecteurs, pour me faire pardonner de vous avoir abandonnés pendant deux éternités, je vous livre aujourd’hui le secret des annonces de recruteurs.

Ouais parce que les petites annonces d’emploi, c’est comme les petites annonces pour les appartements : quand on les lit, comme ça, on a l’impression qu’on comprend tous les mots. 
Sauf que voyez-vous, jeune padawan, pour un recruteur, ces mots ont un second sens dont vous ignoriez tout. Et c’est un coup à se faire bananer. 

Voici donc un lexique non-exhaustif à l’usage des optimistes de tout poil, au but avéré de les faire redescendre dans la dure réalité du marché de la chair humaine de l’emploi.

FORMATION / CONNAISSANCES

-          « bac +2 maximum » : exigence de patron margoulin. On va vous demander plein de trucs et vous payer à l’arrache. Ben ouais, vu que vous n'avez pas de gros diplôme.
-          « bac + 2 minimum » : exigence de patron archi-réac, persuadé que toute personne de moins de 45 ans et sans un bac + 5 est forcément un décérébré communiquant exclusivement en langage SMS. Moralité, on va vous confier des tâches débiles pendant au moins deux ans avant de vous filer un quelconque taf intéressant. Des fois que.
-          « Permis B exigé » : l’entreprise se trouve dans le trou du c** du monde et/ou vous devrez récupérer le pressing / les enfants / les courses Auchan Drive du boss pendant vos pauses déjeuner.
-          « Compétence X appréciée / un plus » : compétence X exigée.
-          « Bilingue anglais » : capable d’articuler trois mots en rosbif (mais « bilingue », ça fait plus chic)
-          « Facilités avec les outils informatiques » : une phrase qui peut vouloir dire deux choses :
o   Soit on va vous tanker sur un progiciel maison particulièrement obscur, avec interface moisie de série,
o   Soit vous serez l’unique recrue capable de bidouiller trois formules un quart sous Excel, ce qui fera de vous l’éternelle bonne pâte qui dépatouille les collègues numérignares.

RÉMUNÉRATION : 

-           « Salaire : non précisé » : salaire à la tête du client. Très probablement aux alentours de SMIC + 1 paquet de clopes.
-          « Salaire : selon profil » : voir « salaire : non précisé ».
-          « Salaire : évolutif » : voir « salaire : non précisé », avec mention spéciale SMIC sans le paquet de clopes.
-          « Salaire : motivant » : voir « salaire : non précisé », avec mention spéciale salaire fixe tiers-mondiste et commissions rarissimes.

LE POSTE LUI-MÊME : 

-          « Dans le cadre d’une création de poste » : vous êtes là pour décharger un service blindé. Les anciens vont vous refiler les merdes qu’ils attendaient de pouvoir fourguer à quelqu’un depuis des mois.
-          « Entreprise à taille humaine » : petite boîte qui se prend pour une famille. Le patron risque d’être un fouille-merde notoire, ou au moins un type salement intrusif. Ne pas compter ses heures (quand on aime…).
-          « Rattaché au (PDG / service technique / etc.) » : larbin du (PDG / service technique / etc.)
-          « En renfort de l’équipe » : ramasse-crotte de l’équipe. Poste précaire, fourni uniquement le temps d’un pic d’activité.
-          « Poste basé à X » : dans un premier temps, vous bosserez à X. Mais attention au siège éjectable (pensez à regarder les clauses de mobilité avant de signer).
-          « Et divers autres petits travaux » : toutes les bouses échoueront sur votre bureau.
-          « Accessible aux travailleurs handicapés » : on a besoin de quelqu’un à foutre dans un placard pour avoir des quotas pas trop crades, alors valides s’abstenir.1
-          « Possibilité d’évolution en CDI » : on vous fera miroiter le CDI ad vitam æternam, puis on vous jettera comme un Kleenex.

VOUS :

-          « Très bonne présentation exigée » : non-femme, non-jeune, non-mince, non-blanche, non-maquillée s’abstenir. Porteuses de Doc Marten’s, piercings, jeans, hennés / tatouages, ne pas postuler. Potiches bienvenues. Compétences autres que la poticherie non nécessaires.
-          « Bonnes qualités relationnelles » : vous allez bosser avec les pires chieurs du monde et vous ne pourrez que serrer les dents en attendant que ça passe.
-           « Bonnes capacités d’organisation » : le patron est bordélique en diable. À vous d’écoper quand la barque prend l’eau.
-          « Priorisation des tâches » : voir « Bonnes capacités d’organisation » 
-          « Motivé » : vous êtes la 8e recrue à ce poste en 12 mois OU vous travaillerez 55h payées 35 OU au premier arrêt maladie de 24h, c’est la porte.
-          « Orienté client » : vous allez passer 90% de votre temps à faire du SAV au téléphone.
-          « Polyvalent » : vous allez hériter d’un poste mal défini dans une organisation brouillonne. Vous serez le bouche-trou de service.
-          « Force de proposition » : la boîte est grave dans la mouise. Vous serez l’œil neuf capable de voir exactement où ça foire. En gros, consultant avec un salaire d’employé – le tout en plus de vos tâches normales, bien sûr.
-          « Rigoureux » : pas le droit à l’erreur. Patron tatillon.
-          « Autonome » : pas la peine d’espérer de l’aide des copains. Vous avez un taf à faire, la formation sera minimaliste et si vous galérez, on vous laissera crever la gueule ouverte.
-          « Discret » : le patron reçoit des stars ou pique dans la caisse. Dans un cas comme dans l’autre, interdiction d’en parler à qui que ce soit.
-          « Flexible / disponible » : horaires improbables qui changent tous les jours. Vous travaillerez le jour, la nuit, les week-ends, le premier de l'an, pendant votre propre accouchement s'il le faut. Synonyme : « Taillable et corvéable à merci ».

Au final, chers chômistes, ne vous voilez pas la face : plus l'annonce a l'air mirobolante, plus le taf sera foireux.

À bon entendeur...

1Et excusez-moi bien, mais je trouve ça aussi ignoble pour les travailleurs handicapés que pour les travailleurs valides...